Par où commencer…?
J’ai longuement
réfléchis avant de rédiger cet article.
Pourquoi ? Parce
que difficile d’exposer un sujet comme celui là...
Peur de ne pas être à
la hauteur de mon vécu à travers cet écrit & pas envie non plus de tomber
dans le pathos (car je suis un peu triste,
les enfants me manquent !)
Cette expérience a
commencé pour moi en sept 2014 et s’est terminée il y a quelques jours en mars
2015.
Il s’agit d’un stage d’éducateur
de jeunes enfants effectué dans un service d’hématologie pédiatrique (maladies
du sang).
Ces maladies du sang
sont pour la plupart des leucémies et des lymphomes, des saloperies de mots que
j’ai juste envie d’écorcher, d’injurier, de détruire, une bonne fois pour
toute ! Comme dirais L*** du haut de ses 5 ans « C’est la guerre aux
méchantes bébêtes dans mon sang !! » Bien vu ;)
Vous l’avez compris
j’aborderai ici un sujet tabou, peu discuté, mais qui plus que jamais me
touche…
« Le cancer chez
les enfants (des bébés aux grands ados) »
Quand l’on m’a donné
mon affectation de stage, sincèrement j’ai presque pleuré !
Quoi de plus
normal ? Depuis le début de ma formation je revendique HAUT et FORT que je
veux bien tout faire… Oui je suis un peu une WonderWoman des expériences
sociales en tout genre, peur de RIEN jvous l’dis ;) ! Mais là l’hôpital et le cancer
= Grosse Pétoche.
Mais comme Mr le
hasard fait tjrs bien les choses et bien voilà qu’on m’y envoie !!
Bref vous savez, mon
rapport à la maladie, c’est un mélange de mauvais souvenirs d’enfance associé à
un peu d’hypocondrie.
Outre la maladie, ce
qui me faisait complètement flippé, c’était l’idée de voir des enfants malades,
des parents désoeuvrés…
Voir des enfants sans
cheveux, perfusés, affaiblis = je ne pensais même pas pouvoir regarder.
D’ailleurs le jour où
j’ai vu le film « ALABAMA MONROE » j’ai été profondément chamboulée…
Sans vous parler qu’ado déjà je pleurais comme un artichaut à la lecture
d’Oscar et la dame Rose.
Bref gros exposé de
mes craintes & pour finir.. Le JOUR J : premier jour de ce magnifique
stage, j’ai été immédiatement à l’aise… Comme une évidence.
Là-bas il n’y a pas
de journée type et le temps passe très vite… Je pensais au départ ne pouvoir
rien apporter face à une telle problématique et pourtant…
J’ai joué, j’ai
réconforté, j’ai écouté, j’ai considéré, j’ai consolé, j’ai échangé, j’ai
pleuré (en cachette bien-sur) mais j’ai aussi et surtout essayé
« d’occuper les esprits », j’ai eu de gros moments de rire, des fous
rires même. Quand vous travaillez dans un lieu où la mort est l’ennemie n°1, croyez-moi
la vie prend tout son sens ! En tant que professionnel, vous vous forgez,
vous devez à la fois faire preuve de bienveillance, d’humilité, d’intégrité et
être dans une perpétuelle gymnastique intellectuelle où le choix des mots revêt
une importance considérable.
Parfois il y a des
situations hyper embarrassantes et pourtant tu dois être spontané et savoir désarmer
la bombe :
Petit rappel :
Une femme Lambda, qui
rentre dans ta salle de jeux et qui te sors … « Vous savez je suis déjà
venue dans cette salle de jeux, car à l’époque il y a 20 ans ma nièce avait une
leucémie, bon elle en est morte… »
Là immédiatement je me dis dans mon for intérieur : « WTF c’est une
blague ? »
Parce que oui à ce
moment là, tu es dans cette même pièce avec d’autres enfants qui ont cette
maladie… Et là directement tu dois gérer la situation avec tes yeux
revolvers : « Non mais Madame, vous savez ça c’était il y a bien des
années maintenant cette maladie se soigne beaucoup mieux, ca n’a plus rien à
voir avec les années 90 !! « Maintenant TU SOOOOORS ou j'te SORS ?!" (non ça j’ai dû
m’abstenir).
Mais vous, savez moi
aussi j’ai eu quelques moments maladroits avec les enfants (2 moments
surtout) :
Alors que bien-sûr
j’avais peur d’être dépourvue face à la problématique de l’alopécie (perte des
cheveux dû à la chimio)…
J’ai quand même
réussi à demander à M***, une ado de 13 ans (pour une activité avec des
bouteilles d’eau où des gouttelettes d’eau stagnaient) dans toute ma spontanéité : « Ah bah il est où ton sèche-cheveux ? » Là, elle me regarde
déconcertée « Euh bah, j’en ai pas besoin ! » Puis gros moment
de solitude, suivi d’un gros fou rire commun. Et oui, elle était contente de
voir à quel point j’avais zappé cet élément là de son apparence physique.
Il y a aussi eu cette
deuxième fois donc, avec la poupée barbie sans cheveux (Barbie Balb) de L***… Je
suis donc assise sur le lit de la puce, entre nous la table mobile avec la
poupée, ses vêtements et accessoires (fichus, diadème et perruques)… Bref, je
prends la poupée, lui met une perruque rose et la tend à L***, sauf que je fais
un geste hyper space et là, drame, la perruque de la poupée vole dans le verre
de coca-cola. Oui, autant vous dire que la maman était morte de rire, de ce
fait on a inventé avec L*** les perruques senteurs pour enfants.
Toujours dans le
versant drôle (Bon cette fois, je n’ai pas gaffé) : Une petite puce de 3
ans, ultra speed et adorable, qui crie constamment haut et fort « Moi suis
une star », me regarde et me dit en pointant son crâne chauve du doigt « Sont
quelle couleur mes cheveux ? » Bon là, j’essaie d’imaginer tant bien
que mal et je sors : « Je pense qu’ils sont châtains », Elle me
répond en s’exclamant tout en tapant la pomme de sa main sur son front, l’air
de dire, qu’elle est bête celle là : « Bah non sont noirs !! »
Il y a aussi eu A***
(11 ans) qui m’appelle carotte parce que j’ai les cheveux roux et qui n’hésite
pas à dire que lui est « coquille d’œuf » tout en étant tordu de
rire. N’empêche que lors de mon dernier jour de stage, juste avant de sortir de
sa chambre après lui avoir dit « au-revoir ». Il m’interpelle et me
dit « Et carotte, un dernier conseil pour la route : « Change
tes cheveux ». Bref, le roi de l'autodérision à l'état pur ! :)
Bien-sûr vous avez là
1/1000 des moments vécus, autant importants les uns que les autres, mais je voulais vous partager des petites
anecdotes sympathiques, car oui je n’avais pas envie de vous faire part des
côtés les plus sombres, tristes… Quel intérêt ?
Tous ces enfants
(j’en ai rencontré presque 70) sont incroyables. Je me suis attachée de
nombreuses fois. Même si oh grand malheur on te dira : « tu es
professionnel, ce n’est pas bon »… C’est vrai que notre cerveau est
totalement apte au point de nous dire : « Là tu vis les choses à
fond, tu vis le quotidien de l’enfant, tu partages des moments forts, mais NON ne
t’attache pas… »
En même temps, c’est
vrai que ce serait plus facile, mais c’est justement pour ça que j’aime mon
métier. Nous sommes de véritables vecteurs de lien social.
Lorsque je suis
partie, j’ai eu une maman et sa fille en pleurs dans mes bras, me remerciant
d’avoir été là pour elles dans les moments les plus durs. Si ça ce n’est pas
souhaité, qu’est ce qu’on devient ? Des robots ?
Je le dis souvent
autour de moi, mais je le répète, en 5 mois j’ai pris 5 ans de maturité
professionnelle et personnelle.
Ces enfants, ces
parents m’ont tellement apporté…
Certes, il y a eu des
moments très difficiles, Noël, Nouvel An avec de nombreuses découvertes, suivis
du mois de janvier avec des décès… Des périodes très douloureuses, mais il faut
rester fort et ne pas baisser les bras pour tous les enfants, qui eux
continuent de se battre et vous donnent des sacrées leçons de vie !!
Sans oublier les
parents, qui ont à 95% du temps le sourire, qui ne se démontent pas, qui partagent
avec toi leur vie, qui te font confiance, parce que oui toi, en bonne
professionnelle que tu es, tu ne vois pas leur enfant que sous l’angle médical,
tu considères leur enfant comme un enfant, un point c’est tout !
Je le sais
profondément, tous ces riches moments resteront en moi
jusqu’à la fin de ma vie... De ce stage, je pense que je n’oublierai personne…
Même si forcément à
ce moment même, mon cœur repense particulièrement à ces enfants partis beaucoup
trop tôt et dont je garde un précieux souvenir.